Contaminants de l’alimentation (dioxines et PCB) et obésité

Silhouettes Femme Sorensen

Les silhouettes de l'échelle de Stunkard, Sörensen, Schulsinger, 1983.

Les dioxines

Les dioxines sont produites involontairement lors des processus de combustion (déchets ménagers ou industriels, charbon, bois) et sont également émises par le trafic routier et certaines industries (métallurgie, blanchiment du papier…).

Les dioxines sont des composés chimiques peu volatils et peu solubles dans l’eau mais elles ont une stabilité importante, ce qui explique leur forte persistance dans l’environnement : ce sont des polluants organiques persistants. Elles s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire, et comme elles sont lipophiles, elles contaminent principalement les produits qui contiennent des graisses animales : produits laitiers, viandes, poissons. Une fois dans l’organisme humain, elles sont transportées par les lipides du sang et s’accumulent dans les tissus adipeux.

Les dioxines font partie de la famille des organochlorés comme les pesticides et les polychlorobiphényles (PCB). Leurs propriétés toxiques dépendent de leur structure chimique et de leur nombre d’atomes de chlore. Les dioxines sont par ailleurs soupçonnées d’agir comme des perturbateurs endocriniens.

Les PCB

Les polychlorobiphényles (PCB) sont des substances chimiques de synthèse massivement utilisées entre 1930 et 1970 comme lubrifiants (turbines, pompes…) et dans la fabrication de transformateurs électriques et de condensateurs. On les a également utilisés dans certains adhésifs, peintures, huiles… Ils sont connus en France sous le nom de pyralène, nom commercial d’un produit à base de PCB utilisé autrefois dans les transformateurs électriques.

La production et l’utilisation de PCB sont interdites depuis 1987 en France. Mais, comme ce sont des polluants organiques persistants, ils se désagrègent très peu et restent présents dans l’environnement. Ils se sont accumulés dans les sols via des rejets industriels dans les rivières et ont contaminé l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’alimentation constitue la principale source d’exposition humaine à ces substances chimiques. Les aliments dans lesquels les PCB sont le plus présents sont d’origine animale : au premier chef les poissons ; le lait, les produits laitiers, les œufs et la viande en contiennent aussi, mais dans une moindre mesure.

Les PCB sont aussi soupçonnés d’agir comme des perturbateurs endocriniens. A savoir que les PCB sont divisés en deux groupes, les PCB de type dioxine qui partagent les mêmes mécanismes d’action que les dioxines et les PCB de type non-dioxine qui exercent leur toxicité par des voies biologiques différentes.

Pourquoi étudier ces contaminants en lien avec l’obésité ?

L’obésité, caractérisée par une accumulation excessive de tissu adipeux et correspondant à un indice de masse corporel supérieur à 30 (IMC > 30 kg/m²), est l’un des principaux facteurs de risque de nombreuses maladies non transmissibles.

L’obésité représente un problème majeur de santé publique : au niveau mondial, 30% de la population adulte est obèse ; au niveau européen, le taux d’obésité chez les adultes a triplé entre 1975 et 2016 pour atteindre 20%. Les facteurs génétiques et les changements dans les habitudes alimentaires ne suffisant pas à expliquer cette épidémie mondiale et récente d’obésité, une hypothèse reposant sur l’environnement a été formulée. Parmi les facteurs environnementaux, les polluants organiques persistants sont particulièrement suspectés car ce sont des perturbateurs endocriniens. Ils pourraient provoquer l’obésité en suivant plusieurs mécanismes, par exemple en augmentant la taille ou le nombre des adipocytes (les cellules du tissu adipeux) ou en altérant le bon fonctionnement du système endocrinien responsable, entre autres, de réguler le métabolisme, l'appétit et la satiété.

Diverses études animales ont montré des effets obésogènes liés à l'exposition aux PCB et aux dioxines, mais les études humaines ont abouti à des résultats contradictoires. Cette étude vise à examiner s’il existe des liens entre les apports alimentaires en PCB et en dioxines et une prise importante de poids.

Méthodologie

Cette étude, menée auprès des femmes de la première génération de la cohorte E3N-Générations, a porté sur 63 758 personnes qui ont été suivies pendant 23 ans, entre 1993 et 2016. Ces femmes avaient un âge moyen de 53 ans et un indice de masse corporel moyen de 22,9 kg/m² au début du suivi. Elles ont répondu à un questionnaire très détaillé sur leur alimentation en 1993.

Leurs apports alimentaires en dioxines et PCB de type dioxine d’une part, et en PCB de type non-dioxine d’autre part, ont été estimés à partir de leurs données de consommation alimentaire combinées aux niveaux de contamination des aliments publiés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Des modèles de Cox ajustés ont été utilisés pour estimer les risques d'obésité, de surpoids et de prise de poids supérieure à 10 kg au cours du suivi.

Résultats

Nous avons d’abord observé que, parmi les aliments, les poissons et les produits laitiers sont les principales sources d’exposition aux dioxines et aux PCB pour les femmes de la cohorte.

Concernant les apports alimentaires en PCB de type non-dioxine, nos résultats suggèrent une association positive et linéaire avec la prise de poids, le surpoids et l’obésité. En particulier, les femmes les plus fortement exposées à ces PCB de type non-dioxine ont un risque augmenté de 26% de devenir obèses que celles qui y sont le moins exposées. En prenant en compte l’adhésion aux recommandations nutritionnelles de l’État (PNNS) ou la consommation quotidienne de poisson, preuves d’une alimentation saine, ces résultats restent inchangés.

En revanche, pour les apports alimentaires en dioxines et en PCB de type dioxine, les résultats initiaux, positifs, disparaissent une fois les ajustements faits sur l’adhésion aux recommandations nutritionnelles ou sur la consommation journalière de poisson.

Conclusion

Cette étude suggère que les apports alimentaires en PCB de type non-dioxine augmentent le risque de prise de poids, de surpoids et d'obésité chez les femmes adultes.

Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents à cette association.
 

Pour en savoir plus :

Télécharger l’article scientifique (en anglais) : Chetrit L, Frenoy P, Artaud F, Marques C, Ren X, Severi G, Mancini FR. Evidence of a positive association between dietary exposure to polychlorinated biphenyl (PCB) and weight gain among women in the E3N prospective cohort. Sci Total Environ. 2024 Dec 20:957:177587. 

Visionner la présentation orale "Contaminants de l’alimentation et obésité " sur Youtube

Lire le résumé de l’article sur PubMed (en anglais)