La pollution atmosphérique favorise l'apparition du cancer du sein

Pollution atmosphérique

Octobre 2022 - L’étude XENAIR, une collaboration entre l’équipe Inserm « Exposome et Hérédité » en charge de la cohorte E3N-Générations (anciennement E3N-E4N) et le Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard de Lyon, se penche sur les liens entre pollution atmosphérique et risque de cancer du sein. Huit polluants atmosphériques sont ainsi passés au crible.

Méthodologie

L’étude XENAIR s’appuie sur les données de la cohorte E3N : entre 1990 et 2011, 5 222 femmes E3N ont été diagnostiquée d'un cancer du sein. Selon leurs lieux de résidence au cours du temps, géocodés par des géomaticiens, les chercheurs ont estimé leur exposition à huit polluants de l’air :

  • les particules fines (PM10 et PM2,5), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3), des polluants auxquels les Français sont exposés quotidiennement.
  • le benzo[a]pyrène (B[a]P), les polychlorobiphényles (PCB), le cadmium et les dioxines, des polluants qui ont des propriétés xénœstrogènes, c’est-à-dire qui ont des effets de perturbateurs endocriniens.

Pour chaque polluant séparément, à l’aide d’un modèle spécifique, des expositions moyennes et cumulées ont été estimées pour chaque femme E3N ayant eu un cancer du sein, depuis sa date d’inclusion dans l’étude à la date de diagnostic du cancer du sein et ce, en fonction de ses différents lieux de résidence. Les niveaux d’exposition à ces huit polluants atmosphériques ont ensuite été comparés à ceux de 5 222 autres femmes - les témoins - n’ayant déclaré aucun cancer sur cette même période. Chaque femme du premier groupe était appariée à une femme du second groupe, ayant un âge comparable, le même statut ménopausique à l’inclusion et résidant dans le même département.

Cette comparaison des niveaux d’exposition aux polluants entre les femmes E3N a permis d’estimer l’augmentation du risque de cancer du sein, en fonction de l’augmentation de la concentration de chaque polluant.

Précisons que les analyses statistiques ont été ajustées sur les facteurs de risque de cancer du sein déjà connus (activité physique, consommation de tabac ou d’alcool, nombre d’enfants, allaitement, âge à la première grossesse, statut ménopausique, prise de traitements hormonaux de la ménopause, usage de contraceptif oral et mammographie avant l’inclusion) pour veiller à n’étudier que l’influence des polluants.

Focus sur les résultats les plus significatifs

Une bonne nouvelle toute relative d’abord : les résultats font état d’une baisse continue, depuis 1990, des niveaux d’expositions des femmes E3N à tous les polluants, sauf l’ozone. Cependant, les niveaux d’expositions au dioxyde d’azote et aux particules fines restent largement au-dessus des recommandations sanitaires actuelles de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Sur le dioxyde d’azote (NO2)

Le dioxyde d’azote provient des processus de combustion dont les sources principales sont les véhicules et les installations de type centrales thermiques ou chauffages. Le NO2 est un gaz réactif qui participe à la formation de l'ozone et des particules (smog). Ce polluant est déjà connu pour irriter le système respiratoire.

Dans XENAIR, une augmentation de 17,8 μg/m3 d’exposition au NO2 est associée à une augmentation d’environ 9 % du risque de cancer du sein.

Une analyse statistique complémentaire a montré que si les niveaux d’exposition au NO2 recommandés par l’OMS avaient été respectés, soit 10 µg/m3, près de 9 % des cancers du sein auraient été évités.

Sur le benzo[a]pyrène (B[a]P)

Le benzo[a]pyrène est l’un des composés les plus connus des hydrocarbures aromatiques polycycliques. Il est dégagé par la combustion ou la pyrolyse de matériaux organiques et se retrouve dans les suies ou fumées de toutes origines : raffineries, cigarettes, combustion de carburants, aliments fumés ou grillés au charbon de bois et gaz d’échappement.

L’étude XENAIR confirme que le B[a]P est cancérogène : une augmentation de 1,42 ng/m3 d’exposition au B[a]P est associée à une augmentation d’environ 15 % du risque de cancer du sein.

Sur les polychlorobiphényles (PCB)

Les polychlorobiphényles, ou pyralènes, sont des composés aromatiques chlorés. Ils « ont été utilisés par l'industrie, sous forme de mélange, pour leurs propriétés isolantes (transformateurs électriques) ainsi que pour leur stabilité chimique et physique (encres, peintures) », indique l’Anses. Même si leur production et leur utilisation dans l’industrie ont été réduites au cours des années 1970, puis finalement interdites en 1987, ces molécules se sont accumulées progressivement dans l'environnement. Les PCBs sont en effet classées parmi les polluants organiques persistants. Ils ont également des effets de perturbateurs endocriniens.

L’étude XENAIR a en particulier étudié le PCB153, un type de PCB présent en forte concentration dans l'environnement. L'étude montre qu’une augmentation de 55 pg/m3 d’exposition au PCB153 est associée à une augmentation d’environ 19 % du risque de cancer du sein.

À noter que des analyses supplémentaires pour le B[a]P et le PCB153, polluants classés comme perturbateurs endocriniens, ont montré un risque plus élevé chez les femmes exposées pendant leur transition ménopausique.

Conclusion

L’ensemble des résultats de l’étude XENAIR contribuent à documenter de manière fine les effets délétères de la pollution atmosphérique sur la santé. Les chercheurs concluent qu’une amélioration de la qualité de l’air serait un levier pour contribuer à la prévention du cancer du sein. L’investissement à fournir pour réduire les concentrations de polluants atmosphériques pourrait être compensé par les économies réalisées en matière de traitement, de prise en charge et de coûts pour la société, résultant de tous les cancers ainsi évités.


Pour en savoir plus

Lire le communiqué de presse du Centre Léon Bérard d’octobre 2022.

Les différents articles scientifiques déjà publiés de l’étude XENAIR :

  • Amadou A, Praud D, Coudon T, Danjou AMN, Faure E, Deygas F, Grassot L, Leffondré K, Severi G, Salizzoni P, Mancini FR, Fervers B. Exposure to airborne cadmium and breast cancer stage, grade and histology at diagnosis: findings from the E3N cohort study. Sci Rep. 2021 Nov 29;11(1):23088.
  • Amadou A, Praud D, Coudon T, Deygas F, Grassot L, Faure E, Couvidat F, Caudeville J, Bessagnet B, Salizzoni P, Gulliver J, Leffondré K, Severi G, Mancini FR, Fervers B. Risk of breast cancer associated with long-term exposure to benzo[a]pyrene (BaP) air pollution: Evidence from the French E3N cohort study. Environ Int. 2021 Apr;149:106399.
  • Deygas F, Amadou A, Coudon T, Grassot L, Couvidat F, Bessagnet B, Faure E, Salizzoni P, Gulliver J, Caudeville J, Severi G, Mancini FR, Leffondré K, Fervers B, Praud D. Long-term atmospheric exposure to PCB153 and breast cancer risk in a case-control study nested in the French E3N cohort from 1990 to 2011. Environ Res. 2021 Apr;195:110743.
  • Amadou A, Coudon T, Praud D, Salizzoni P, Leffondre K, Lévêque E, Boutron-Ruault MC, Danjou AMN, Morelli X, Le Cornet C, Perrier L, Couvidat F, Bessagnet B, Caudeville J, Faure E, Mancini FR, Gulliver J, Severi G, Fervers B. Chronic Low-Dose Exposure to Xenoestrogen Ambient Air Pollutants and Breast Cancer Risk: XENAIR Protocol for a Case-Control Study Nested Within the French E3N Cohort. JMIR Res Protoc. 2020 Sep 15;9(9):e15167.
  • Amadou A, Praud D, Coudon T, Danjou AMN, Faure E, Leffondré K, Le Romancer M, Severi G, Salizzoni P, Mancini FR, Fervers B. Chronic long-term exposure to cadmium air pollution and breast cancer risk in the French E3N cohort. Int J Cancer. 2020 Jan 15;146(2):341-351.
  • Danjou AMN, Coudon T, Praud D, Lévêque E, Faure E, Salizzoni P, Le Romancer M, Severi G, Mancini FR, Leffondré K, Dossus L, Fervers B. Long-term airborne dioxin exposure and breast cancer risk in a case-control study nested within the French E3N prospective cohort. Environ Int. 2019 Mar;124:236-248.
  • Faure E, Danjou AM, Clavel-Chapelon F, Boutron-Ruault MC, Dossus L, Fervers B. Accuracy of two geocoding methods for geographic information system-based exposure assessment in epidemiological studies. Environ Health. 2017 Feb 24;16(1):15.

Partenaires de l’étude XENAIR

L’étude XENAIR est le fruit d’une collaboration remarquable entre :

  • Le département « Prévention Cancer Environnement » du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (CLB) de Lyon (Unité Inserm 1296)
  • L’équipe « Exposome, hérédité, cancer et santé » en charge de la cohorte E3N-Générations (anciennement E3N-E4N) (Unité Inserm 1018)
  • L’Institut de Santé Publique, d'Épidémiologie et de Développement (ISPED) de l’Université de Bordeaux (Unité Inserm 1219)
  • L’Ecole Centrale de Lyon (Unité CNRS 5509)
  • Le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) de Lyon
  • Le « Centre for Environmental Health and Sustainability » de l’Université de Leicester (Royaume-Uni)
  • L’Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

Financements

L’étude XENAIR a été financée par la Fondation ARC.

Cette étude a été réalisée grâce aux données issues de la cohorte E3N de l’Inserm et au soutien apporté par la MGEN, l’Institut Gustave Roussy et la Ligue nationale contre le Cancer pour la constitution et le maintien de cette cohorte E3N.

Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Etat gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme « Investissement d’avenir » ainsi que d’une subvention du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.