Cancer du sein et mesures anthropométriques : l’influence du surpoids

Surpoids

Le surpoids et ses variations pourraient avoir des effets sur la cancérogenèse mammaire. L'étude E3N s'est attachée à l'analyse du poids et de l'Indice de Masse Corporelle (IMC), deux indices de corpulence renseignés régulièrement pendant dix ans.

Le poids et l'IMC au sein de la cohorte E3N

Il semble admis que l'obésité adulte a un effet délétère sur le risque de cancer du sein post-ménopausique alors qu'à l'inverse elle exercerait un effet protecteur sur la survenue d'un cancer du sein pré-ménopausique. Cependant, le poids varie souvent avec l'âge et, chez les femmes, lors des différents événements de la vie reproductive (grossesse, ménopause). Par ailleurs, la corpulence influence le métabolisme hormonal tout au long de la vie.

Il nous est donc apparu important de mettre à jour cette information régulièrement afin d'analyser l'évolution du poids en relation avec la survenue de cancers du sein pré- et post-ménopausiques. L'étude E3N est la première à prendre en compte la variation dans le temps des mesures anthropométriques. Elle évite ainsi le décalage des autres études de cohorte où l'information sur le poids est seulement recueillie à l'entrée dans l'étude, le lien avec le cancer du sein se faisant alors par rapport à une information considérée comme stable.

Évolution du poids et de l'IMC

De 1990 jusqu'en juin 2000, nous avons demandé aux volontaires E3N cinq mesures de poids et deux mesures de taille, permettant de calculer leur IMC à cinq points différents du suivi.

En pré-ménopause, on observe un net gain de poids (environ 3 kg) et de corpulence au fil des années, et ce, de façon quasiment linéaire, quelle que soit la tranche d’âge considérée.

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En post-ménopause, une tendance globale à l'augmentation de poids et d'IMC est visible, cependant cette tendance varie avec l'âge à l'inclusion. Les femmes les plus jeunes, dont la ménopause est la plus récente, ont le gain de poids le plus important au cours du temps (plus de 3 kg).

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Image retirée.Les courbes de gain d'IMC, par tranche d'âge à l'inclusion, sont quasiment parallèles bien que les deux tranches les plus jeunes augmentent plus fortement, probablement en raison de l'évolution rapide de la corpulence dans les premières années suivant la ménopause.

Des résultats inverses selon le statut ménopausique

L'analyse a porté sur 94 805 femmes suivies de 1990 à juin 2000 (date du 6ème questionnaire), parmi lesquelles 2 308 cas de cancer du sein sont survenus, 786 en pré-ménopause et 1 522 en post-ménopause.

On observe une tendance à la diminution du risque de cancer du sein pré-ménopausique avec un poids et un IMC croissants. Le risque relatif de cancer du sein pré-ménopausique est de 0,78 pour les 25 % de femmes pré-ménopausiques les plus corpulentes de notre échantillon (IMC supérieur à 23,4 kg/m2), comparées aux 25 % les moins corpulentes (IMC inférieur ou égal à 20,2 kg/m2). Soit une diminution du risque de 22 % qui est statistiquement significative. Il faut cependant noter le peu de femmes obèses dans la cohorte (environ 5 %).

Parmi les femmes ménopausées, la relation est inversée. Les femmes les plus corpulentes ont un risque de cancer du sein post-ménopausique augmenté. Ainsi, le risque relatif de cancer du sein post-ménopausique est de 1,06 pour les 25 % de femmes ménopausées les plus corpulentes de notre échantillon (IMC supérieur à 24,2 kg/m2), comparées aux 25 % les moins corpulentes (IMC inférieur ou égal à 20,6 kg/m2).

Nos résultats soulignent l'intérêt de ne pas prendre de poids après la ménopause.

Les différentes mesures anthropométriques

Après avoir étudié la relation entre certaines caractéristiques anthropométriques, particulièrement le poids et l'IMC, et le risque de cancer du sein, il semblait intéressant de vérifier l'hypothèse selon laquelle l'obésité abdominale, estimée par le tour de taille et le Rapport Taille/Hanches (RTH), est liée au risque de cancer du sein.

La plupart des études sur ce sujet ont produit des résultats contradictoires et bien que l'obésité abdominale soit probablement associée de façon positive au cancer du sein post-ménopausique, elle ne semble pas prédisposer au risque de cancer du sein pré-ménopausique. Le tour de hanches et de taille de même que le RTH, capables de caractériser l'obésité abdominale, ainsi que d'autres indicateurs anthropométriques en particulier le tour de poitrine mesuré à la base et à la pointe des seins, ont donc été examinés en relation avec la survenue de cancer du sein pré- et post-ménopausique.

La présente analyse est basée sur le suivi entre 1995 (date du 4ème questionnaire) et 2000 (date du 6ème questionnaire) d'un échantillon total de 69 116 femmes, dont 1 135 ont développé un cancer du sein (275 avant la ménopause et 860 après la ménopause).

L'étude confirme que la plupart des indicateurs étudiés jouent dans des sens opposés selon le statut ménopausique, sur le risque de cancer du sein. Elle montre également que si l'on tient compte de l'IMC, le RTH n'a plus d'effet sur le risque. De fait, les deux indicateurs sont liés, les femmes qui ont un RTH élevé ont le plus souvent un IMC élevé. Ces résultats montrent que l'obésité abdominale n'aurait pas un rôle spécifique sur le risque de cancer du sein, dès lors que l'on tient compte de la corpulence.

Pour en savoir plus :

Tehard B, Clavel-Chapelon F. Several anthropometric measurements and breast cancer risk: results of the E3N cohort study. Int J Obes (Lond). 2006;30(1):156-63.