La lumière artificielle la nuit semble néfaste pour le cancer du sein

Pollution lumineuse à Chateau-Thierry - Licence Creative Commons - Guy Buhry

Château-Thierry à 02h30 du matin - Photographie sous licence Creative Commons de Guy Buhry

Un rythme circadien perturbé par la lumière artificielle nocturne

D’après l’atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne, près de 85 % de la population mondiale et 99 % des européens et des américains vivent sous un ciel pollué par la lumière artificielle la nuit. Lampadaires, panneaux publicitaires, éclairages de bureaux, de jardins… Les sources sont nombreuses. L’exposition à la lumière artificielle la nuit perturbe le rythme circadien, ou rythme veille-sommeil naturellement synchronisé chez tous les êtres vivants avec l’alternance jour-nuit, qui joue un rôle majeur dans la régulation des grandes fonctions biologiques. Alors que plusieurs études suggèrent un risque de cancer du sein augmenté chez les travailleuses de nuit fortement exposées à la lumière artificielle la nuit, des chercheuses et des chercheurs de l’équipe se sont demandés si le cancer du sein pouvait également être associé à la pollution lumineuse nocturne en population générale.

Méthodologie de l’étude menée dans E3N-Générations

L’étude s’est appuyée sur les données de la cohorte E3N-Générations. Elle comportait 5 222 femmes de la première génération de la cohorte ayant eu un diagnostic de cancer du sein entre 1990 et 2011 et 5 222 femmes « témoins », comparables en termes d’âge mais indemnes de cancer du sein.

Pour estimer l’exposition à la pollution lumineuse nocturne de ces femmes, l’étude s’est appuyée sur des données spatialisées. Le niveau d’éclairage nocturne autour du domicile des femmes a été estimé annuellement à partir des images satellite du Defense Meteorological Satellite Program qui permettent de couvrir la France entière depuis 1990. 

Les analyses statistiques ont été menées en prenant en compte l’effet des facteurs de risque de cancer du sein déjà connus tels que le niveau d’activité physique, la corpulence, le nombre d’enfants, le fait d’être ménopausée ou non, le tabagisme et la prise de traitements hormonaux. Les chercheurs ont également examiné les niveaux de pollution atmosphérique au dioxyde d’azote et aux particules fines, également suspectés d’être associés au risque de cancer du sein. Enfin, la couverture végétale à proximité des lieux d’habitation, qui pourrait avoir un impact sur l’incidence du cancer du sein en réduisant le taux de pollution atmosphérique ou en favorisant la pratique d’activité physique, a été considérée dans les analyses.

Résultats

Les femmes ont été ventilées en quatre groupes (ou quartiles) selon leur niveau d’exposition à la lumière nocturne la nuit. Les résultats suggèrent que le risque de développer un cancer du sein augmente de manière linéaire à mesure que le niveau d’exposition à la lumière nocturne augmente. Cette augmentation du risque était de 11 % par interquartile d’exposition (l’interquartile est l’intervalle entre la valeur la plus haute du premier quartile et la valeur la plus basse du troisième quartile). Cette tendance à la hausse persistait, mais de manière plus légère, une fois gommés l’effet des polluants atmosphériques et a contrario celui de la proximité des espaces verts. Cette augmentation de risque était plus prononcée chez les femmes ménopausées et chez celles vivant dans des zones urbaines avec peu de couvertures végétales.

Ces résultats sont cohérents avec ce qui a été observé dans une étude similaire menée récemment dans la cohorte CECILE : l’exposition à la lumière artificielle la nuit y était associée à un risque accru de cancers de type HER2+, un sous-groupe de cancers du sein agressifs surexprimant cette protéine.

Des recherches à poursuivre

Compte tenu de l’incidence élevée du cancer du sein, il faut poursuivre les recherches dans ce domaine. L’une des pistes d’amélioration consiste à affiner la mesure des expositions à la lumière artificielle nocturne en utilisant les photographies prises par les astronautes depuis la station spatiale internationale. Ces photographies ont une résolution de quelques mètres seulement autour du lieu de résidence et renseignent sur le spectre lumineux et la composante bleue de la lumière, la plus à même de perturber le rythme circadien. Autre piste d’amélioration : estimer l’exposition à la lumière artificielle la nuit à l’intérieur des habitations ou liée à l’utilisation d’appareils électroniques. 

 

Pour en savoir plus :

Télécharger l’article scientifique (en anglais) :

Prajapati N, Praud D, Perrin C, Fervers B, Coudon T, Faure E, Guénel P. Outdoor Exposure to Artificial Light at Night and Breast Cancer Risk: A Case–Control Study Nested in the E3N-Generations Cohort. Environ Health Perspect. 2025 May;133(5):57015.

 

Lire le résumé de l’article sur PubMed (en anglais)