Dioxines dans l’air et risque de lymphome non hodgkinien

Centre incinération déchets ménagers à Saint-Ouen - Crédit : John Grégoire CC BY-SA 4.0

Crédit photo: John Grégoire CC BY-SA 4.0 - Centre d'incinération de déchets ménagers à Saint-Ouen

Que sont et d’où viennent les dioxines ?

Les dioxines sont des polluants organiques persistants. Elles sont produites involontairement lors de processus de combustion. Elles sont majoritairement des sous-produits indésirables de processus industriels, mais peuvent aussi apparaître lors de phénomènes naturels, comme les feux de forêt. Elles restent surtout émises par des procédés de fabrication industrielle, comme la fusion, le blanchiment au chlore des pâtes à papier ou la production de certains herbicides et pesticides, et par des incinérateurs d'ordures ménagères. Il est important de souligner que, depuis le milieu des années 1990, les émissions de dioxines dans l’air ont diminué de manière importante, notamment grâce aux réglementations et aux mises aux normes successives des incinérateurs de déchets ménagers en 1995 et en 2002.

Présentes dans l’environnement, les dioxines s’accumulent dans la chaîne alimentaire, principalement dans les graisses animales. L’exposition humaine aux dioxines est principalement due à l’alimentation (90 %) et pour le reste à la pollution atmosphérique.

Une fois que les dioxines ont pénétré dans l’organisme, elles s’y maintiennent longtemps à cause de leur stabilité chimique et de leur capacité à être absorbée par les tissus adipeux, dans lesquels elles sont stockées. Elles posent problème à cause de leur toxicité potentielle élevée ; considérées comme des perturbateurs endocriniens, elles semblent affecter le système immunitaire, le développement du système nerveux, le système endocrinien et les fonctions reproductives. Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé la dioxine 2,3,7,8-TCDD (2,3,7,8-Tétrachlorodibenzo-p-dioxine ou dioxine de Seveso) dans le groupe des agents cancérogènes certains (groupe 1).

Le lymphome non hodgkinien (LNH)

Le lymphome non hodgkinien (LNH) est un cancer qui prend naissance dans les lymphocytes, qui prennent eux-mêmes naissance dans la moelle osseuse. Les lymphocytes sont les cellules du système lymphatique. Ce dernier agit avec d’autres parties du système immunitaire pour aider le corps à se défendre contre les infections et les maladies. Les lymphocytes subissent parfois des altérations qui rendent leur mode de croissance ou leur comportement anormal. Ces cellules anormales peuvent former des tumeurs appelées lymphomes.

Une étude cas-témoin dans E3N

L'objectif de cette étude était d'examiner l'association entre l'exposition atmosphérique cumulée aux dioxines et le risque de lymphome non hodgkinien (LNH) dans une étude cas-témoins nichée au sein de la cohorte de femmes E3N.

Cette étude portait sur 736 femmes : 368 femmes ayant eu un diagnostic de LNH et 368 femmes, les « témoins », choisies car ayant les mêmes caractéristiques d’âge et de département de résidence que les cas. L'historique résidentiel des participantes et l'emplacement des sites industriels émetteurs de dioxines ont été recueillis sur une période de 18 ans (de 1990 à 2008). Un indice d'exposition cumulé aux dioxines dans l’air, basé sur un système d'information géographique précis, a été estimé pour chaque participante, à partir de ses différentes adresses renseignées au cours de la période. Cet indice tenait compte de la distance entre le domicile des femmes et les sources d’émissions de dioxines, la direction du vent et des différentes caractéristiques des sources (intensité d’émission, hauteur de cheminée, durée d’émission).

Résultats

L’exposition aux dioxines atmosphériques était associée à un sur-risque de lymphome non hodgkinien ; l’augmentation de ce risque était encore plus élevée pour le sous-type qui englobe la leucémie lymphoïde chronique (LLC) et le petit lymphome lymphocytaire (SLL).

D'autres études portant sur de plus grande population sont nécessaires pour confirmer ces résultats inédits. Il serait également intéressant d’évaluer les associations avec d’autres hémopathies malignes.

Conclusion

Les résultats de cette étude confirment qu’il faut poursuivre les efforts pour réduire l’émission de dioxines dans l’air. C’est en prenant des mesures à la source, c’est-à-dire en contrôlant rigoureusement les processus industriels pour réduire au maximum la formation de dioxines, que l’on peut parvenir à diminuer l’exposition à ces polluant organiques persistants. Ces mesures relèvent de la responsabilité des autorités nationales.

 

Pour en savoir plus :

Gaspard E, Frenoy P, Praud D, Coudon T, Grassot L, Assi AA, Fervers B, Gelot A, Mancini FR, Severi G, Besson C, Faure E. Association between cumulative airborne dioxin exposure and non-Hodgkin's lymphoma risk in a nested case-control study within the French E3N cohort. Sci Total Environ. 2024 Jan 1;906:167330.

Lien vers l'article complet (en anglais)